Description
BAUDELAIRE, Charles (1821-1867)
Les Fleurs du Mal. Revue des Deux Mondes, XXVe année, Seconde série, Tome dixième, seconde partie, 1855, pages 1079-1093.
Paris, Bureau de la Revue des Deux Mondes, du 15 mai au 15 juin 1855.
Un volume in-8° (160 x 232 mm) de 673 pages, numérotées 665-1336.
Reliure de l’époque en cartonnage bradel fantaisie, dos lisse orné de filets dorés, pièce de titre rouge.
CELEBRE EDITION PREORIGINALE de dix-huit des poèmes des Fleurs du Mal, qui paraîtront en recueil chez Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) en 1857 et dont le titre définitif apparaît ici pour la première fois.
En fait, trois de ces pièces : III. Le Tonneau de la Haine, XI. La Cloche [qui deviendra : La Cloche Fêlée] et XIV. Le Spleen (qui deviendra : De Profundis Clamavi), avaient en tout cas déjà été publiées – avec d’autres – dans le « Messager de l’Assemblée » du 9 avril 1851, sous le titre général : « Les Limbes ». Les quinze autres pièces étaient alors encore inédites : I. Au Lecteur, II. Réversibilité, IV. La Confession, V. L’Aube spirituelle, VI. La Volupté (qui deviendra La Destruction), VII. Voyage à Cythère, VIII. A la Belle aux Cheveux d’Or (qui deviendra L’Irréparable), IX. L’Invitation au Voyage, X. Moesta et Errabunda, XII. L’Ennemi, XIII. La Vie Antérieure, XV. Remords Posthume, XVI. Le Guignon, XVII. La Béatrice (qui deviendra Le Vampire), XVIII. L’Amour et le Crâne.
On remarquera la présentation pour le moins prudente de l’éditeur (page 1079) : « En publiant les vers qu’on va lire, nous croyons montrer une fois de plus combien l’esprit qui nous anime est favorable aux essais, aux tentatives dans les sens les plus divers. Ce qui nous paraît ici mériter l’intérêt, c’est l’expression vive et curieuse même dans sa violence de quelques défaillances, de quelques douleurs morales que, sans les partager ni les discuter, on doit tenir à connaître comme un des signes de notre temps. Il nous semble d’ailleurs qu’il est des cas où la publicité n’est pas seulement un encouragement, où elle peut avoir l’influence d’un conseil utile, et appeler le vrai talent à se dégager, à se fortifier, en élargissant ses voies, en étendant son horizon ».
Et parmi les « défaillances » du poète, l’éditeur pointe immédiatement le cinquième quatrain de « Au Lecteur » (« Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange / Le sein martyrisé d’une antique catin, / Nous volons au passage un plaisir clandestin / Que nous pressons bien fort comme une vieille orange »), apparemment de mauvais goût, selon l’optique pudibonde de l’époque, lui substituant quatre lignes de points.
Cette prudence n’empêchera pas un distingué critique du Figaro de déclarer que Baudelaire, en tant que poète « ne sera plus cité désormais que parmi les fruits secs de la poésie contemporaine », concluant avec emphase : « Et c’est cette poésie scrofuleuse, écoeurante, que la Revue des Deux Mondes nous offre […] ! Ah, vous nous la donnez belle, M. Buloz [François Buloz (1803-1877), directeur de la Revue depuis 1831] ! » (Cité par Auriane de Viry).
Baudelaire, en revanche, fut très touché par l’amitié que Buloz lui avait témoignée en publiant ses poèmes. Le 13 juin 1855, il lui écrivit : « N’avez-vous pas publié des morceaux de moi qui auraient fait reculer d’autres recueils, et même ne m’avez-vous pas depuis lors – je l’ai appris récemment – fort convenablement défendu ? Quoique je m’en sente fort digne, je devais vous en remercier : je vous dirai quelque chose de mieux : je m’y attendais. » (Cité par Pierre Clarac).